Non : Je ne suis ni idiote ni flémarde

Lorsque vous êtes en colère, il ne vous viendrait pas à l’idée de demander à un paraplégique assis dans son fauteuil roulant d’arrêter ses conneries, de se lever et de marcher… Je pense sincèrement que la personne en question vous regarderait avec de grands yeux et vous enverrait promener sur les roses. Ce en quoi, il aurait raison.

Alors, à votre avis comment doit réagir mon fils lorsqu’on lui demande, avec la même brutalité, de se concentrer et de lire correctement le texte qu’il a sous les yeux ou d’appliquer une consigne écrite ?

Mon fils est dyslexique.
Mon frère,  ma nièce, ma mère, mon cousin…
Je suis dyslexique.
Une vraie histoire de famille… comme à peu près 10 % de la population mondiale, soit 700 millions de personnes dans le monde.
Cette dyslexie s’accompagne souvent de dysorthographie et d’autres dys… tous aussi intéressants.

Je vous rassure, d’apparence nous ressemblons à tout le monde. Notre handicape, car c’est ainsi qu’il est catalogué, ne se voit pas. Normal, il s’agit de troubles du langage écrit qui affecte la lecture, l’orthographe et l’écriture et qui provient souvent d’un trouble neurologique et d’un fonctionnement cérébral atypique. J’aime le mot atypique. Cela signifie que nous fonctionnons différemment. Pas moins, pas plus, juste différemment.

Deux chercheurs de l’Université de Rennes avancent la thèse d’une anomalie des récepteurs de lumière présents dans nos yeux. Ce qui expliquerait, par exemple, la superposition des lettres ou l’effet miroir. Un « p » devenant un « q », un « b » devenant un « d » ou comme cela m’arrive souvent un « p » devient un « b » et un « q » devient un « d ». S’il n’y avait que l’inversion des lettres, des syllabes ou  des mots : lac, cal ; option, obtion, ce serait fun. Mais il y a aussi ce que les professionnels appellent : 

• les omissions : arbre, arbe ;
• la contamination : le sang qui dégouline, le sang qui guégouline ;
• les substitutions : la garantie financière, la retenue de garantie ; palier, papier ;
• les mots qui s’écrivent à l’envers.

Sans parler du fait que cette distorsion s’empare aussi des chiffres, un « 6 » devient un « 9 », un « 3 » devient « ε » ou « 8 » en fonction de la police de caractère. Le décryptage est fatigant et nécessite, au contraire, beaucoup de concentration.

Vous ne voyez peut-être pas toute la portée de l’amusement, alors testez-vous :

Phrase inversée pour comprendre comment lit une personne dyslexique



lI elrap ed as atat.

.egalp al à sav uT

Pour ceux qui n’ont pas réussi le test :

Elle a lu un livre.
Il dit la vérité.
Ils ont de l’énergie.
Vous avez un ordinateur.
Il parle de sa tata
Tu vas à la plage

Ce qui est chouette c’est que la dyslexie ne se guérit pas, nous vivons avec toute notre vie. Heureusement il existe des solutions de contournement pour nous rendre la vie plus simple. À commencer, quand vous rencontrez un enfant qui a des difficultés de lecture à lui faire passer un bilan orthophonique.
Ceci est un appel du pied à tous ceux qui sont en première ligne et qui sont au contact des enfants dans le cadre de leur apprentissage de la lecture. Tous ces maitres d’école et de professeurs de collège qui ont rendu la vie difficile à mon fils par ce qu’il est plus facile de se plaindre de sa mauvaise volonté, de son manque de concentration, de son état dissipé, ou de ses accès de colère et son effronterie. Merci aux professionnels qui ont su écouter, se sont posés les bonnes questions et qui nous ont conseillé le bilan.
Aux parents, les signes qui peuvent vous alerter comme :

• le refus de l’enfant de lire ou de s’intéresser aux livres ;
• les remarques dans le bulletin : enfant dissipé, manque de concentration, bon à l’oral, mais devrait faire des progrès à l’écrit, tenue de cahier brouillon, etc.
• La prononciation des mots, avec des lettres qui s’inversent
• une fatigue extrême, des déficits de la concentration

• des crises de larmes pour les devoirs
• des poésies sues le soir et qui s’oublient le lendemain matin
• et j’en passe…

Ce bilan débouche souvent sur un suivi orthophonique, des aménagements de temps de travail, des outils pour faciliter la lecture et la compréhension des textes, un enseignement basé sur l’oral, par exemple.

La dyslexie est une contrainte avec laquelle il faut apprendre vivre, elle nous complexifie le quotidien, mais elle ne doit pas être l’excuse pour ne pas avancer. (Voir mon article : Attention aux fautes.)
J’ai un master 2 en gestion et économie d’entreprise, j’ai un poste à responsabilité dans mon autre vie, je lis beaucoup (voir mon article : Mes lectures du printemps), j’écris mes propres livres et les articles du blog.
J’y suis arrivée, parce que j’ai étudié pendant ma vie d’adulte, en formation pour adulte, et passé mes examens sur une période de 20 ans. C’est vrai, c’est long, mais je n’ai pas étudié pendant 20 ans, entretemps je me suis mariée, j’ai eu des enfants, construit deux maisons, travaillé dans une dizaine d’entreprises différentes. J’utilise les correcteurs automatiques, les polices de caractère qui me facilitent la lecture, j’écoute des audios books, je regarde des tutos, j’utilise des couleurs et surligneurs, j’avoue ouvertement à mes collègues que je suis dyslexique (il n’y a pas lieu d’en avoir honte, seulement les sensibiliser au fait que je réfléchis autrement), etc.

Le message que je souhaite envoyer aux dyslexiques du monde entier c’est :
                                                                                                                           Courage, persévérez, persistez et allez jusqu’au bout de vos rêves.

Le message que je souhaite envoyer à ceux qui ne le sont pas :
                                                                                                    Nous ne sommes pas idiots ni fainéants, nous voyons juste le monde autrement.

texte modifiant l'ordre des lettres

À bientôt.

Léa C. Gabriel

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